22 janvier, 2019

Les carnets d’enfance – Pour Aliénor

Aliénor est une jeune fille de 9 ans, qui conçoit et scénarise des jeux vidéo. Cette page est pour elle.

 

Chère Aliénor,

Merci pour ton dessin! Ton père me l’a bien transmis, dans sa petite enveloppe, il est maintenant dans mon petit chez moi!

Ensuite, je suis partie en vacances pour Noël et je ne t’ai plus répondu, je réfléchissais à ce que je pouvais t’offrir à mon tour. Pour Noël, je vais chez ma mère, dans la Drôme. J’habite à la campagne, donc c’est très calme, et comme je n’ai pas de voiture, je ne peux pas aller bien loin :) Du coup, je reste tranquille à la maison, et je me mets sur des projets personnels, un peu comme quand j’étais petite dans ma chambre, où je faisais mes bricolages et mes histoires.

Et cette année, j’ai plutôt décidé de plonger dans mes carnets d’enfance et de les prendre en photo pour te les envoyer! J’en ai beaucoup beaucoup, j’ai tout gardé, dans une bibliothèque qui transpire la cire d’abeille et les fait jaunir. Des carnets, mais aussi des papiers dans des classeurs, des magazines faits avec des feuilles A4 agrafés, etc. Je ne sais pas toi, mais je ne suis pas hyper soigneuse, alors tous mes bricolages sont faits essentiellement avec du papier, des agrafes et du scotch :D rien de très joli. Mais les histoires que je racontais étaient de bonnes idées, je trouve. Je regarde à nouveau toutes ces idées, ces dessins, ces blagues, et je trouve des thématiques que je continue encore à travailler! Il y a même des choses où je me dis « tiens, mais c’est pas mal, je devrais le reprendre »…

Alors voilà, je t’emmène en petite incursion dans mon univers à travers les âges, jusqu’à celui de 15 ans je dirais. Je trouve que c’est une période hyper productive, riche en idées et en envies, et je trouve très chouette de tout garder pour pouvoir rééxaminer ça en grandissant. Je dis ça au cas où, tout d’un coup, tu aurais envie de jeter toutes tes productions à la poubelle un jour… :-0 bon, c’est vrai, il faut parfois faire du tri…

 

1- Copier, adapter, s’inspirer
Il y a plein de manières de créer bien sûr. Il y a la copie toute simple, qui permet d’étudier, d’observer et d’apprendre. Par exemple, recopier un dessin ou un personnage qu’on aime bien, etc. Pour ensuite, réadapter.

Par exemple, ci-dessous : c’est l’adaptation d’un album « Ludovic et l’histoire-qui-fait-peur » vers une bande dessinée. Je ne sais plus quel âge j’avais quand j’ai fait ça. Du coup, ça permet de prendre appui sur les dessins de base, pour inventer le mouvement à partir de là. À noter que je dessinais d’abord la grille de BD (mal), et du coup il me restait deux petites cases en bas parce que je ne faisais pas attention. Alors j’ai décidé de faire une BD parallèle qui se lit de page en page, seulement sur les deux cases du bas ^^

 

À propos de recopiage, il y a aussi l’observation :) c’est toujours bien pour s’améliorer… Un dessin de la fenêtre de la cuisine chez moi, vu de l’extérieur, j’avais environ 9 ou 10 ans. Photo de la même fenêtre, maintenant. Je me dessinais aussi dans le miroir, je me souviens avoir étudié comment on dessinait un nez de face comme ça. Il y a un dessin de moi super marrant mais je ne l’ai plus retrouvé.

 

Et bien sûr, observation, inspiration… On continue les univers qui nous plaisent. Ci-dessous, dans l’ordre : Rougemuraille, Harry Potter, Le manuel des Castors Juniors, les Tamagotchis (je ne sais pas si tu connais, c’était la super mode dans la cour de récré, mais je n’avais pas pu en avoir un, alors j’en ai imaginé).

Et toi, tu copies souvent des projets qui te plaisent? Ou tu t’inspires des histoires qui t’ont plu, et tu imagines la suite?

 

2- Reprendre et persévérer

Je ne sais pas comment tu travailles, mais de mon côté, je suis souvent très prise par l’idée du moment, je travaille des heures dessus, et puis tout à coup il y a autre chose qui arrive, ou d’autres idées, alors ça fait plein de projets pas finis. J’ai souvent fait ça, mais parfois, des mois ou des années plus tard, quand je trouvais toujours le projet chouette, je le reprenais. Mais quand j’étais enfant et que le trait et la manière de créer change très vite, ça se voit, alors ça fait des œuvres aux styles un peu mélangés… :)

J’avais un « grand projet de roman » que je n’ai jamais fini à cause de ça. Le dernier titre connu c’était L’Odyssée de deux Huchas, et j’avais commencé à l’écrire sur mon ordinateur de l’époque, qui s’appelait Windows 3.1 (l’interface ressemblait à ça). Mais sur les 80 pages A4 que j’ai rédigées, mon style d’écriture évoluait tout le temps, je revenais sur les premières pages, pas satisfaite, je reprenais tout, sans cesse… Jusqu’à ce que j’abandonne :-/ Je ne sais pas si je le reprendrai un jour…

Par exemple, ci-dessous, il y a « Maman, le journal des gentilles mamans », inspiré d’un album du chanteur le « Roi des papas » (je sais pas si tu connais?), un magazine pas très intéressant qui n’a connu que 2 numéros. Le premier avait été commencé puis fini peut-être un an plus tard. J’ai aussi retrouvé une blague pas très drôle avec deux rectangles et un losange :)

C’est ainsi qu’il y a eu la période « sorcières » : j’ai rédigé d’abord quelques pages de formules magiques dans un petit carnet quand j’avais peut-être 7 ans, puis quand j’avais 10 ans, un journal qui s’appelait « HORREUR, le journal des sorcières à la mode », qui a eu 6 parutions (j’en ai perdue une), puis que j’ai repris à 14 ans.

« HORREUR » était passé de main en main dans mon école primaire. C’est peut-être pour ça qu’il m’en manque un, d’ailleurs. L’idée c’était, pour rigoler, d’imaginer comment être une vraie sorcière. C’était vraiment humoristique, une sorte d’imitation décalée des journaux pour jeunes filles. Du coup, il y avait des BD gags de Peroni la chauve-souris, des articles sur les balais les plus cools, des conseils pour être très méchante ou tuer le chien du voisin avec des formules magiques, et même des recettes pour sentir très mauvais ^^

C’était bien, jusqu’à l’arrivée de Mélusine, et de mon admiration. Tout me semblait nul sauf Mélusine, donc le magazine s’est mis à se remplir de cases de Mélusine que je collais dedans, plutôt que de créer mes propres histoires… Trop dommage! Ne pouvant pas refaire Mélusine à la place de Mélusine, j’ai fini par arrêter.

Puis j’ai repris 4 ans plus tard (dans les images, on voit écrit sur la couverture « nouvelle formule »), avec toujours un peu de Mélusine, mais beaucoup plus de création de ma part et avec plein de nouveaux personnages. Je crois qu’il n’y a eu que deux numéros + un numéro spécial sur Peroni la chauve-souris.

Et toi, ça t’arrive de laisser tomber des idées, ou tu vas jusqu’au bout?

 

3. Lire, relire et réfléchir

Alors voilà, comme je te disais, j’ai été souvent seule dans ma chambre en train de créer mes histoires, mais aussi beaucoup en train de lire. Je crois que toi aussi tu lis beaucoup?

Comme je lisais tout le temps, je devais trouver le moyen de faire autre chose en même temps. J’ai tenté sous la douche, en m’essuyant les mains avant chaque tourné de page, mais bon pas très pratique. En suivant ma mère ou mon père dans la rue, il fallait que je fasse attention, au-dessus du livre, aux jambes que je suivais. Mais ça m’est arrivé qu’en levant la tête, ce n’était plus les bonnes jambes! Alors il y avait mon père ou ma mère, un peu plus loin, qui regardait ma tête perdue en rigolant…

Donc à 14 ans, j’ai fait un support pour livre, qui me permettait de lire tout en faisant autre chose de mes mains. Il est vraiment tout moche, je sais je sais… Mais il était pratique! On place le livre dessus (l’endroit orange pour mettre la tranche du livre est plus mou) et on maintient les pages avec des élastiques. J’ai lu tout Le Seigneur des Anneaux en tricotant des écharpes pour Noël comme ça :D

 

J’avais entendu dire qu’avant les livres avec des pages, on lisait sur des rouleaux. Alors, je me suis dit que je pouvais faire une BD en rouleau aussi. Et voici « L’autre monde », une exploration de couloir en couloir, de salle où l’on croit qu’on est à l’extérieur mais on est toujours dedans, des personnages fous mais pas du tout, des carottes au goût de betteraves et des betteraves au goût de rutabaga, etc… D’ailleurs, pareil, je l’ai arrêtée à un moment, et reprise 1 ou 2 ans après (le style graphique change, les intérêts aussi).

Au bout du compte, ce n’est pas hyper pratique à lire, en papier en tous cas… :) En plus, sans couverture, elle s’est bien abîmée :-/

À propos des contraintes créatives (comme « tiens, faisons une BD en rouleau »), j’ai bien aimé, ci-dessous, « les vacances génératives » : on fait une liste d’activités, une liste de lieux, on pioche un élément dans chaque liste et paf! On sait ce qu’on fait pour les vacances ! Hôtel à la rivière? Maison sur la plage? Cabane dans la ville? À toi de choisir tes prochaines vacances ^^

 

4- Innover

Et bien sûr, il y a tout ce que j’ai appelé plus tard « les jeux de papier vidéo »… C’est-à-dire, tous les jeux vidéo que je faisais en papier. Je ne les ai pas tous retrouvés. Je me souviens notamment d’une grande carte à assembler, à l’univers narratif inspiré du jeu vidéo « Sortilèges » (mince je regarde cette vidéo de gameplay, c’est trop moche mais j’ai super envie d’y rejouer) sur laquelle des mini carnets de dialogues étaient agrafés, à lire quand on passait à cet endroit-là.

Donc voici, dans l’ordre, différentes tentatives :

  • Une aventure dont vous êtes l’héroïne
  • Un jeu de cartes que j’aimerais bien finaliser, sur des territoires « glaces », « forêt », « jungle », « mer », « ville », « désert ». Il n’y a pas de pouvoir plus petit que les autres, chacun en vainc un autre. Il faut que je me replonge dans les règles :)
  • Un jeu adapté du 1000 bornes mais plutôt en mode « aventure », on peut trouver des armes, des pièces pour les acheter, etc.
  • Un jeu de l’oie
  • Un labyrinthe, où en fonction des numéros sur lesquels on passe, on se reporte à la page de droite pour voir ce qui nous arrive. On est Cassandre et on doit aller sauver son amoureux.
  • Une BD dont vous êtes le héros. On est l’amoureux de Cassandre et on doit aller la sauver.

 

Et donc, dans ces projets pas finis-refinis, je suis tout de même très contente d’avoir finalisé un jeu d’aventure, que je t’ai déjà envoyé il me semble. C’est comme un livre dont vous êtes le héros/ l’héroïne, mais où j’ai décidé d’ajouter des images, comme dans un jeu vidéo. Donc il y avait une marge qui me permettait de noter où cela renvoyait si on choisissait cette option (soit vers une autre scène, soit vers la partie dialogue). Au début, j’avais 10 ans, comme sur la première image, « partie dialogues » ainsi qu’en bas de la 3e. Puis j’ai repris ce projet à 14 ans, comme sur la deuxième image, « choix de l’héroïne », et en haut de la 3e. Mais dès la base, pour autoriser au joueur ou à la joueuse de se projeter dans le personnage principal comme il le voulait, j’avais fait juste une silhouette blanche.
6 ans plus tard, aux Beaux-Arts, mon prof de multimédia qui s’appelait Étienne Cliquet, m’a incitée à le transposer en web. Il y a donc maintenant une version interactive au clic, et pas au tourné de page :) Mais ce n’est pas encore automatique, car il y a des « si » à lire, pour cliquer au bon endroit : « si tu as déjà rencontré la vieille femme, clique ici, sinon clique là ». Peut-être à améliorer pour la prochaine version, dans un vrai logiciel de jeu comme Unity?
À jouer ici : https://leschemins.net/jeu/

Toi aussi, tu es en train d’inventer un jeu, et peut-être plusieurs je ne sais pas, c’est super! J’espère que j’aurais l’occasion de voir le jeu sur lequel tu travailles… Peut-être même que tu es sur quelque chose d’autre maintenant :D

En tous cas, voilà! La visite est terminée! J’espère que ça t’aura donné des idées, ou amusée. Et je te dis à une prochaine, dans un atelier à la bibliothèque ou ailleurs avec tes parents!

Cassandre