30 octobre, 2023

Détournement de Matterport

En 2022, j’étais en résidence au Nouveau Musée National de Moncao (NMNM) pour créer une œuvre en ligne en résonance avec l’exposition « Tremblements – Acquisitions récentes du NMNM » qui avait lieu à ce moment-là.

Voici le projet final « L’envers et l’enhors », où vous pourrez en savoir plus sur le projet même : https://www.nmnm.mc/lenvers-et-lenhors-introduction/

Mais cet article se concentre plus sur la partie technique, pour vous faire un retour d’expérience de Matterport et des possibilités de détournement.

J’ai choisi cet outil parce qu’il n’y avait pas de budget pour la technique, donc j’ai pris quelque chose qui me semblait assez rapide à utiliser, avec un résultat satisfaisant assez immédiat. Par son esthétique, il résonnait bien avec le titre et le contenu de l’exposition « Tremblements ». Mais j’ai dû adapter mes intentions au fur et à mesure du projet. Pour utiliser cet outil et lui faire faire des constructions plus précises, ou pire encore, faire des retouches une fois que les prises de vues sont faites, il faut tordre l’outil dans tous les sens.

Fonctionnement général de Matterport :

Matterport fonctionne avec des numérisations à 360°, on se déplace de quelques pas, on fait une autre numérisation, le logiciel voit que c’est à côté et les localise l’une par rapport à l’autre sur un plan. On fait tout l’espace comme ça, puis on uploade le fichier en ligne, et l’intelligence artificielle de Matterport reconstruit le modèle 3D. Magnifique.
Maintenant, comment faire communiquer des espaces qui ne communiquent pas, comment rallier des étages, comment faire apparaître Genève à Monaco, comment creuser un trou à un endroit précis plutôt qu’aléatoire?

Au moment de la prise de vue :

  1. Illusions d’optique :
    J’ai essayé de jouer sur les rapports d’échelle pour faire apparaître des espaces plus petits (maquettes) dans des espaces plus grands. Pas ouf, car l’illusion de la maquette est effacée à la vue suivante.
  2. Incrustation physique :
    J’ai essayé de tenir une impression de la photo d’un autre espace devant la caméra. Ça fait comme une grande fenêtre.
  3. Rabibochage :
    J’ai essayé de prendre un 180° dans un espace, et le reste dans un autre. C’est ce qui marchait le mieux. Il faut que les espaces soient proches, car ça bugue souvent (donc allers-retours à prévoir).
  4. Dessin :
    J’ai essayé de dessiner un espace sur un anneau de papier et à ma grande surprise, ma porte dessinée en trois traits a formé un enfoncement sur la dollhouse. À creuser.
  5. Changement de hauteur :
    J’ai essayé des prises de vue avec des hauteurs différentes : ma hauteur, puis au niveau du sol. Ça fonctionne très bien dans la navigation, par contre les vues au niveau du sol sont disproportionnées, et se placent n’importe comment dans le modèle final et l’envahissent. Ça ne me convenait pas.

Après la prise de vue :

  1. Réglages de l’espace :
    Une fois que c’est fait, on peut travailler le fichier en découpant des parties, en notant les fenêtres, les miroirs, les murs. Puis, quand on uploade sur le site pour générer le modèle 3D, on croise les doigts. Ça prend plusieurs heures, et c’est différent d’une fois à l’autre. C’est l’AI qui gère à partir de nos données.
  2. Repositionnement :
    Parfois, les numérisations se positionnent mal l’une par rapport à l’autre. J’ai testé l’application sur mon Fairphone, et on peut déplacer les numérisations. J’ai utilisé un iPhone, de meilleure qualité, pour le final. Eeeet la fonctionnalité n’est que sur Android! Bon, mais est-ce qu’on peut ensuite faire passer le modèle d’un téléphone à l’autre? Ouiii ! De Androïd à iPhone? Nooon quelle idée.
  3. Omission :
    Après upload, on peut cacher les numérisations qu’on ne veut pas que les utilisateurices voient, sans que le modèle en soit affecté.
  4. Photoshoppage :
    J’ai pensé modifier les images une fois qu’elles avaient été prises. J’ai ouvert le paquet, fouillé dans les dossiers créés par l’application pour récupérer les images, et voir en les modifiant ici, comment ça transforme le modèle (changement de couleurs, de luminosité, ajout de texte, ajout d’image dans l’image)… Une fois ça a marché, sinon plutôt pas. Le problème c’est que chaque essai prend plusieurs heures… Abandon.
  5. Faux 360 :
    Je devais faire communiquer le Musée, déjà enregistré, avec Genève. Comme on a vu, je ne peux pas faire un 180° à un endroit, prendre l’avion, et continuer le 180° à Genève. Disons qu’il faudrait que je prenne plusieurs fois l’avion jusqu’à ce que ça marche. Matteport permet de faire de télécharger les numérisations 360° dépliées en jpg. J’ai imprimé sur un très grand papier celle qui m’intéressait. Je suis montée au 11e étage de mon immeuble, et là, malgré les courants d’air, j’ai pu scanner l’impression comme un 180° du musée, puis continuer sur ma terrasse. Essais nombreux, très nombreux, jusqu’à ce que ça marche, la porte est ouverte. Mais au mauvais endroit sur le modèle. Sapristi, il faut refaire. J’ai fini par réussir. Une fois que la porte est ouverte, on peut continuer à faire des scans et Matterport place les numérisations suivantes au bon endroit par rapport à la précédente, ça y’est, nous voici sur ma terrasse, je vous montre le plan du GP de Monaco en pâte à modeler, avant qu’un groupe d’inconnuxs ne le roule en boule la nuit (je voulais reprendre des images le lendemain) et ne le fasse rouler dans la terre.